lundi 26 mars 2012

Antoine, Athanase, La Rivière et le Canivet

Note supprimée d’un article :

De façon significative, Athanase est présent – dans des contextes différents – dans les première et dernière versions d’Antoine, mais il brille par son absence dans la seconde, quand Flaubert la reprend aussitôt après avoir publié Madame Bovary (où le père est à la fois La Rivière et le Canivet). Au contraire, dans la dernière, on le voit appeler Antoine à l’aide, dans les toutes premières pages de l’œuvre : « Une autre fois, Athanase m’appela pour le soutenir contre les ariens. Tout s’est borné à des invectives et à des risées. Mais, depuis lors, il a été calomnié, dépossédé de son siège, mis en fuite. Où est-il, maintenant ? Je n’en sais rien ! On s’inquiète si peu de me donner des nouvelles ! Tous mes disciples m’ont quitté, Hilarion comme les autres ! » (TSA, 54). On est tenté, en lisant cela de voir Antoine entre père et fils. Père ou grand frère, d’ailleurs, mais frère semblable au père : médecin, actif, impliqué dans le monde médical comme l’autre l’est dans la sinécure littéraire. Bref, on peut rêver à un cryptage biographique de cette aide apportée par le saint ermite à l’évêque. Du reste, cette promotion d’Athanase en père naturel de Bouvard est intéressante aussi en cela : Antoine et Athanase étaient davantage perçus comme deux égaux, deux compagnons illustrant les deux versants de la vie en Dieu : le zèle prosélyte pour l’évêque d’Alexandrie, vainqueur des Ariens hérétiques au concile de Nicée, et la vie monacale pour l’ermite vainqueur des démons tentateurs en sa retraite désertique.
Enfin, dernière pièce à verser au dossier d’une lecture psychanalytique, cette interjection d’Antoine, dans la seule version de 1874, deux ans après la mort du père :
« Oh ! Non ! ... non ! à chaque minute je défaille ! Que ne suis-je un de ceux dont l’âme est toujours intrépide et l’esprit ferme, comme le grand Athanase, par exemple. » (TSA, 88). Mais il est sans doute tout aussi judicieux d’y voir une allusion projective, mais consciente, aux doutes qui parfois assaillent les solitaires attelés aux tâches de l’esprit, et au regard furtif qu’ils jettent alors sur ceux de leurs contemporains qui leur paraissent moins seuls et plus actifs.