On voit dans Un Plaisant un homme ganté saluer un âne pour la lui souhaiter bonne. Il s'agit de "l'ânée," et l'on a souvent glosé sur l'ironie de ce poème en prose. Il se pourrait que cette ironie se déploie sur une toile de fond sociale:
Les animaux domestiques, associés aux travaux de l'homme, qui l'accompagnent dans ses courses, et vivent presque sous le même toit, sont considérées par les paysans comme faisant en quelque sorte partie de la famille. Plusieurs actes en rapports avec cette idée ont été relevés de nos jours. En Wallonie, le fermier, sitôt levé, va à l'étable, et souhaite la bonne année à chacune de ses bêtes*. Cet usage est vraisemblablement rare en France : je n'en ai relevé aucune trace écrite, et ceux auxquels je me suis adressé pour savoir si on le connaissait dans leur région m'ont répondu négativement.
Paul Sébillot, en écrivant ceci en 1906 dans son Folklore de France (p. 103) citait un ouvrage belge paru en 1896 (Wallonia). Il ne saurait donc s'agir d'une "source" d'inspiration livresque à cette scène de rue décrite par le poème en 18. Il peut s'agir d'un fait social sur quoi juger la "plaisanterie".
Que Baudelaire ait ou non connu cet usage, on ne le saura jamais. Mais le geste qu'il décrit, s'il est référentiel, a peut-être eu lieu non à Paris, mais à Bruxelles. Et l'humour satisfait de l'homme ganté, sa performance, qu'il veut voir applaudie, c'était de contrefaire le paysan wallon.
Déplacé à Paris, le geste du plaisant devient le symbole même de l'esprit de la France – ce qui conforte l'idée que Baudelaire n'a haï Bruxelles que pour mieux détester Paris.
Et ce qui redit par l'usage ce que le poème disait par les non-dits: que l'oppression des bêtes ne vaut pas mieux ni pire que l'oppression des hommes. Elle dérive du même.
Exit la trouvaille belge au minuit d'un jour de mai